Les seuils en course et en trail : comprendre, s’entraîner intelligemment et progresser durablement
Qu’est-ce qu’un seuil ?
En course à pied, un seuil représente une intensité charnière : celle où ton corps change sa manière de produire l’énergie nécessaire à l’effort.
En dessous, tout est géré principalement par la filière aérobie — c’est-à-dire avec oxygène.
Au-dessus, ton organisme commence à faire appel à des processus anaérobies (sans oxygène), plus coûteux et fatigants.
Ces transitions se font progressivement, mais on distingue deux zones clés :
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le premier seuil (Seuil ventilatoire 1 ou SV1) ou seuil aérobie,
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le deuxième seuil (SV2) ou seuil anaérobie.
Le premier seuil (Seuil Ventilatoire 1) : l’efficacité aérobie
Le SV1 marque la frontière entre l’endurance fondamentale et le début des intensités plus soutenues.
C’est l’allure où ton corps commence à produire un peu plus de lactate, une substance issue du métabolisme énergétique, mais qu’il parvient encore à réutiliser et stabiliser.
L’intérêt du travail autour du SV1:
Travailler autour de ce premier seuil permet de :
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renforcer ta résistance à la fatigue,
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améliorer ton efficacité énergétique (tu utilises mieux ton oxygène),
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augmenter ta capacité à tenir des allures soutenues plus longtemps.
En d’autres termes, tu rends ton moteur plus puissant et plus économe.
Comment le travailler ?
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Séances continues : 30 à 60 min à allure “confortablement soutenue”, 80% FCmax
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Blocs progressifs : 2 × 20 min ou 3 × 15 min à allure proche du SV1 ou 85% FCmax.
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Sorties longues : terminer par 15–20 min à ce niveau d’intensité.
Idéal pour les coureurs de trail, semi ou marathon, qui doivent tenir un effort stable pendant plusieurs heures.
Petit rappel : qu’est-ce que la filière aérobie ?
La filière aérobie (“avec oxygène”) correspond à la zone d’effort où ton organisme dispose de suffisamment d’oxygène pour transformer les graisses et les sucres en énergie.
C’est la filière lente mais efficace, celle qui te permet de courir longtemps sans t’épuiser.
Elle sollicite fortement le cœur, les poumons et les mitochondries, ces petites usines à énergie présentes dans tes muscles.
Quand tu cours à intensité modérée, ton corps fonctionne presque uniquement sur cette filière aérobie : il brûle surtout les graisses, économise le glycogène et reste en équilibre.
Le deuxième seuil (SV2) : la limite du soutien durable
Le SV2, souvent appelé seuil anaérobie, correspond à l’intensité où ton corps commence à produire plus de lactate qu’il ne peut en éliminer.
Ce que développe le travail au SV2
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Une meilleure tolérance au lactate,
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Une capacité à soutenir un effort intense plus longtemps,
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Une amélioration du temps limite à haute intensité.
Comment le travailler ?
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Blocs longs : 3 × 8 à 12 min à 90–95 % de ta VMA (ou allure 10 km).
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Travail en continu : 20 à 30 min juste sous ton SV2,
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Fartlek trail : alternance de montées intenses et descentes de récupération.
💡 Ces séances demandent une bonne récupération et doivent être placées avec précaution dans le plan d’entraînement.
Et les lactates, c’est quoi exactement ?
Les lactates (ou “acide lactique”, dans un langage courant) sont un sous-produit naturel de l’effort.
Ils apparaissent quand l’intensité devient trop élevée pour que ton organisme fournisse toute l’énergie uniquement avec de l’oxygène.
Ton corps passe alors partiellement en anaérobie, c’est-à-dire qu’il fabrique de l’énergie sans oxygène — rapidement, mais de manière moins durable.
Contrairement aux idées reçues, les lactates ne sont pas des déchets toxiques.
Ton cœur et certains muscles les réutilisent même comme source d’énergie secondaire.
Le problème survient quand leur production dépasse ta capacité à les recycler : ils s’accumulent, ton souffle s’accélère et tu sens cette brûlure musculaire caractéristique.
Pourquoi chercher à “mieux tolérer les lactates” ?
Quand tu cours à une intensité élevée (autour du seuil anaérobie, SV2, résistance "dure"), ton corps produit des lactates plus vite qu’il ne peut les réutiliser.
- Ce n’est pas le lactate lui-même qui pose problème,
- mais les ions H+ (protons) produits en même temps, qui acidifient le milieu musculaire et perturbent la contraction musculaire.
“Tolérer les lactates” veut donc dire :
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Retarder le moment où la concentration sanguine augmente trop vite,
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Améliorer la capacité de tes muscles à recycler les lactates (les transformer à nouveau en énergie utile),
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Mieux tamponner les ions H+, pour éviter l’acidification qui cause la sensation de brûlure et la perte de puissance.
En clair :
- L’endurance fondamentale construit la base,
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Le travail au SV1 élargit la zone d’efficacité, tu utilises mieux ton oxygène et repousses la fatigue
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Le SV2 repousse ta limite haute de soutien, tu tiens plus longtemps des allures rapides.
- La VO2max développe puissance, explosivité, tu rends ton moteur plus puissant à toutes les allures.
Deux méthodes peuvent être utilisées pour calculer les zones d'intensité :
Le modèle de Grapp :
Les zones correspondent à un % de la FCmax
Le modèle de "Karvonen" :
Les zones correspondent à un % de la FC de réserve (qui prend en compte la FC au repos) = FC Max – FC Repos.
Pourquoi ces seuils sont essentiels en trail ?
En trail, tu alternes sans cesse entre les intensités : montée raide, descente, plat roulant…
Connaître et travailler tes seuils te permet :
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d’éviter les coups de chaud en montée,
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de gérer ton énergie sur la durée,
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d’économiser ton glycogène (ton carburant essentiel à l'effort)
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et d’être plus constant sur les longues distances.
Plus ton corps est à l’aise en aérobie (SV1), et plus ton seuil haut (SV2) est élevé, plus tu es performant sans te mettre dans le rouge.
Les erreurs les plus fréquentes :
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Confondre endurance fondamentale et SV1
→ L’endurance fondamentale est plus facile, à une intensité nettement inférieure au premier seuil.
C’est une zone de récupération et de construction, pas de stimulation. -
Travailler toujours à la même intensité
→ Ni vraiment lent, ni vraiment rapide : tu stagnes.
La clé, c’est la polarisation des intensités (beaucoup de "facile", un peu de "difficile"). -
Négliger la récupération
→ Les séances au seuil sollicitent beaucoup le système nerveux et musculaire.
Récupère en endurance fondamentale, et non en semi-intensité.
Comprendre et travailler ses seuils, c’est apprendre à piloter son corps intelligemment.
C’est savoir quand enchaîner les kilomètres tranquillement, et quand stimuler le moteur pour progresser.
En trail comme sur route, le secret n’est pas de toujours forcer, mais de travailler au bon moment, dans la bonne zone.
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